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Adresse web 2013 : ça se précise

L’adresse web, ou plus techniquement URL (Uniform Resource Locator, « localisateur uniforme de ressource ») évolue régulièrement.
Et le prochain développement, prévu pour le dernier trimestre de cette année selon une annonce faite ce vendredi, devrait donner une impulsion au web.

Mais cette impulsion sera-t-elle une amélioration ou pas ?
Pour se faire une idée, peut-être faut-il commencer avec un petit flash-back, un retour sur expérience …

Avec ou sans l’accent ?

L’AFNIC  (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération) gère  les domaines pour la France et les DOM-TOM (.fr, .re, .yt, .tf, .wf et  .pm). Elle accorde des adresses internet avec accent depuis mai 2012.
Cela concerne donc ß, à, á, â, ã, ä, å, æ, ç, è, é, ê, ë, ì, í, î, ï, ñ, ò, ó, ô, õ, ö, ù, ú, û, ü, ý, ÿ et oe.
Mais cela était déjà possible depuis 2009 pour .eu, 2004 pour .ch, et depuis 2003 pour .com, .net, .org, …

A l’occasion de la semaine du développement durable, je m’étais essayé à ce petit exercice : avec l’accent et sans.
www.developpementdurable.com ne donne pas le même résultat que www.développementdurable.com  (lequel est compris ainsi www.xn--dveloppementdurable-bzb.com par les navigateurs). La première adresse pointe en France et la seconde au Canada.
Quant à www.developpementdurable.org, c’est une vitrine et www.développementdurable.org un domaine réservé et non utilisé.
Et pour le domaine .fr, www.developpementdurable.fr semble aussi avoir été réservé et non utilisé, et www.développementdurable.fr redirige vers un cabinet de conseil.

Bref, c’est la pagaille. D’autant que je n’ai pas essayé avec un tiret entre développement et durable.

Pour l’instant, l’accent dans une URL est une fausse bonne idée,  les principaux moteurs de recherche (anglo-saxons pour la plupart) ne semblent pas référencer ces  adresses (en me basant uniquement sur l’expression développement  durable) à moins de leur forcer la main (avec les guillemets : « développementdurable »),  et encore …

D’ailleurs, www.wikipédia.fr, www.vente-privée.com renvoient (plus ou moins) vers les bons sites, www.commentçamarche.net vers un page vide www.allociné.fr et www.pôle-emploi.fr vers une page où il est dit que le domaine est réservé, et http://fr.wikipédia.org, www.léquipe.fr et www.météofrance.fr vers des pages n’ayant rien à  voir avec le site à l’adresse sans accent.

Mais le jour où le référencement des adresses avec accents se fera  systématiquement par les moteurs de recherche, on risquera d’avoir  quantité de procès de marques cherchant à récupérer leurs droits une  adresse.

Un domaine à soi, rien qu’à soi

Actuellement, le domaine d’une adresse web (ou domaine de premier niveau, en anglais top-level domain,  TLD) est soit l’un de la vingtaine de domaines dits génériques (.com,  .net, .info, . org, …) soit l’un des 260 domaines nationaux (.fr, .be,  .ch, …).

Mais en 2011, l’ICANN,  autorité suprême de régulation de l’internet, annonce la possibilité  d’avoir un domaine de premier niveau personnalisé. A condition de  fournir un épais dossier de candidature et environ 185 000 $ (environ  140 000 €), puis 25 000 $ (19 000 €) par an pour conserver le domaine.

Au cours du premier trimestre 2012, les premières demandes affluent : 1930 dossiers, dont 675 en Europe et 54 en France.
La personnalisation va donc d’ailleurs jusqu’à la possibilité d’user de caractères arabes, chinois, coréens, cyrilliques.

Cela ne se passe pas sans difficultés. Parmi les critères pour accepter ou pas les demandes (stabilité du DNS, similarité de chaine de caractères, …), il y a celui des noms géographiques.
Les extensions géographiques sont prioritairement réservées aux autorités concernées. Et par conséquent, demander une extension représentant un pays, territoire, nom de région, une langue ou une culture régionale ne doit pas pouvoir se faire sans l’accord du gouvernement ou de l’autorité publique concernée.
Ainsi, Amazon, le site de e-commerce voit sa demande contestée par le Pérou et le Brésil, pays où coule … l’Amazone. Et cette situation n’est pas unique.

Ce vendredi 28 juin, l’ICANN a entre autres annoncé que les nouvelles extensions seront disponibles au cours du dernier trimestre de cette année.
Pour l’instant, 909 demandes ont déjà franchi l’Évaluation Initiale et seront disponibles, dont la Confédération Suisse (.SWISS), Apple (.APPLE), ARTE (.ARTE), l’association www.bzh (.BZH), la ville de Paris (.PARIS), la MAIF (.MAIF) …
La SNCF, les Centres Distributeurs Edouard Leclerc, SFR, Orange, quant à eux, sont encore en attente.

Où sont les français ?

Pas de Darty, de Conforama, de Fnac. Pas davantage de Carrefour, Auchan, Casino, … ni BHV, Castorama, … Les enseignes françaises ont fait l’impasse sur leurs noms de domaine personnalisés.

Si on prend par exemple un secteur d’activité tel que celui de l’automobile, c’est flagrant.
Ont déposé leurs demandes : Fiat (et ses marques Lancia, Alfaroméo, Ferrari, Maserati, …), Toyota (et Lexus), BMW, Ford, Chrysler (Jeep, …), Volkswagen, Audi, Seat, Jaguar (LandRover), Hyundai, Kia, Mitsubishi, Volvo, …
N’ont pas déposé de demandes : Opel, Mazda, Mercedes, Saab, Subaru, Rolls Royce, Porsche … ainsi que Renault, Peugeot, Citroën.

La France est en effet plutôt sous-représentée avec ses 54 demandes, dont 14 sont monopolisées par L’Oréal, quand on considère les 76 d’Amazon (luxembourgeois pour l’occasion) et les 101 de Google (se présentant sous le nom de Charleston Road Registry Inc.).
En revanche Apple n’en compte qu’une, Microsoft onze, et Facebook et Twitter en totalisent à eux deux … zéro.
Il apparait que chacun n’a décidément pas la même stratégie que son voisin.

Encore un gadget ?

En pratique, à qui profitent ces nouveaux domaines ?

Déjà, le fait d’avoir des domaines en chinois, arabes ou autres, c’est le moyen de s’adresser à l’international, et pour beaucoup d’entreprises de s’ouvrir de nouveaux marchés ou de les étendre.

Ensuite, avoir sa marque en nom de domaine améliore sa propre visibilité. Reprenant l’exemple des marques automobiles, on gagne en simplicité : http//www.vente.fiat, http://location.bmw, etc …

Pour d’autres, les domaines demandés font plus référence aux types de produits proposés. Amazon propose des produits culturels (.BOOK, .MUSIC, .MOVIE, …) tout comme Google qui propose aussi ses propres services, ce qui pourrait donner à l’avenir quelque chose comme http://google.drive (au lieu de http://drive.google.com actuellement), google.hangout, google.chrome, google.gmail, … et autres déclinaisons possibles et imaginables.

On peut d’ailleurs se poser des questions sur ce qui nous est réservé quand on voit certaines demandes faites par Google par exemple, demandes assez mystérieuses quant à leurs utilisations potentielles

Et l’usager lambda ? Heureusement, tous ces domaines ne sont pas tous à visée (strictement) mercantile.
Certains seront disponibles à tout individu intéressé et concerné. Toute personne habitant et/ou développant un site relatif à Paris ou la Bretagne, pourra normalement utiliser .PARIS ou .BZH.
Et pourquoi ne pas créer un site relatif à l’Amazone, et donc avec une extension .AMAZON ?
Oui, en effet, il y a beaucoup à défricher, et cela risque de ne pas se faire sans mal.

Est-ce que les moteurs de recherche suivront ?

Sans doute. Google est de la partie, des intérêts économiques sont en jeu (et pas seulement l’investissement du coût du domaine), et la volonté d’une portée internationale (pas d’accents donc les anglophones sont concernés aussi) est clairement affichée.
Il y a ainsi peu de risque que le domaine personnalisé suive la même voie sans issue que l’adresse accentuée.